Article repris de La Liberté du 7 juillet 2023

CONCOURS ROMAND D’ÉLOQUENCE: LUDIVINE JORDAN, CELLE QUI A DÉFIÉ ME BONNANT

La Fribourgeoise Ludivine Jordan, qui étudie le droit, a remporté le Concours romand d’éloquence

Fribourg » Elle a si magistralement défié le célèbre avocat genevois Me Marc Bonnant que celui-ci lui a dit: «Mademoiselle, je vous trouve très douée. (….) Si vous voulez faire un stage chez moi, je vous engagerai à prix d’or.»

C’est qu’à 24 ans, la Fribourgeoise Ludivine Jordan a récemment remporté le Concours romand d’éloquence, à Genève. Antoine Lévêque, président du Cercle fribourgeois de débat et de rhétorique, ne tarit pas d’éloges: «On voit que c’est une pure avocate: elle parle pour convaincre. Lors des qualifications pour le concours, elle a pris un ton très différent des autres, assez poétique et personnel.»

Dans son appartement à Fribourg, on s’attend à voir une ciseleuse de mots très sérieuse, dont les phrases voleront si haut qu’il sera difficile d’en saisir le sens. Que nenni. Sourire aux lèvres, Ludivine Jordan était aux fourneaux: «Je ne fais pas souvent la cuisine, mais j’ai parfois des envies de chocolat.» Si ses phrases envoûtent et invitent à réfléchir, elles restent parfaitement compréhensibles.

La victoire à Genève ne doit rien au hasard. Ludivine Jordan peut s’organiser parfois deux à trois ans à l’avance pour atteindre ses objectifs, d’après sa maman Corinne Le Buhan Jordan. En l’occurrence, la Fribourgeoise a puisé dans son précieux temps de préparation aux examens de droit. Elle a vu et revu des discours de Me Marc Bonnant, les a décortiqués, puis a écrit son propre texte en un après-midi.

Le jour J, elle a quasiment été la seule à choisir de confronter le «Mozart du barreau» sur un de ses sujets de prédilection. Car les candidats pouvaient choisir parmi quatre options, et une seule comportait ce duel. «Je crois que le public avait un peu peur pour moi», avoue-t-elle, précisant avoir mis un bandeau dans ses cheveux pour paraître plus jeune et un brin naïve, afin de créer un contraste.

Si elle a un léger trac, elle parle sans trembler. «Au pire, ça n’aurait été que du ridicule, ce qui n’aurait pas été bien grave». dit-elle. Elle joue avec son regard, contient son envie naturelle de s’enflammer, fait des rimes et ne lésine pas sur les formules chocs: «L’éloquence dévore l’adversaire. (…) Se saisir de cette arme, c’est lâche, profondément lâche. C’est monter sur le ring avec le fusil et refuser de se battre, de réfléchir, de confronter les idées. C’est refuser l’intelligence (…) Si convaincre, c’est tuer l’adversaire et remplacer sa pensée par la sienne, je trouve que c’est une forme d’amour très triste.» Elle prétend même que Me Marc Bonnant a un discours de mémoire et non d’improvisation, comme il l’affirme, car il «se répète souvent». Rire et applaudissements du public.

La fibre de la rhétorique a toujours été là. A la maison familiale aux Paccots, on débattait souvent à table. Les parents, deux Français, ont chacun créé leur entreprise après avoir fait de la recherche à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. Leur fille les décrit comme brillants, excentriques, faisant partie des rares personnes qu’elle admire, parce qu’«admirer est un terme assez fort». «Mon père me donnait des conseils sur l’art oratoire quand j’avais des présentations à l’école, et tous les quatre, avec ma sœur, on créait des pièces de théâtre. L’une d’elles parlait par exemple d’un avion éléphant.»

 

Ludivine Jordan

31 mars 1999 – Naissance à Vevey

Eté 2015 – Cours au Corpus Christi College en Angleterre

2015 à 2018 – Collège du Sud

2018 à 2023 – Suit des cours de Bachelor, puis de master en droit à l’Université de Fribourg. Stages dans des études chaque été (à Genève, Paris, Düsseldorf)

2020 – Première place au ELSA Negotiation Competition

2021 à 2022 – Juriste à 40% au Cabinet MCE Carrel à Lausanne et Paris

Dès 2022 – Certificat de médiation (en formation continue)

Dès 2023 – Comédiatrice à La Maison Yamo à l’Isle